KAM - La Crête d'un bout à l'autre

Aller, bienvenue en Crête les jeunes ! Débarquement immédiat, révisez une dernière fois votre alphabet grec, prenez le temps de mettre de la crème solaire et d'échauffer vos mollets ! Comment ça des crampes d'estomac ? Nan nan ya pas d'excuse là, tant qu'elles sont pas sous la ceinture les crampes elles comptent pas pour appuyer sur les pédales ok ? Comment ça où on va ? À l'est, bon dieux, toujours à l'est les jeunes ! Qu'est-ce que vous voulez savoir de plus, on en trouvera bien un en route d'objectif plus précis ! Bon vous êtes prêts ? Aller top c'est parti !

Lundi 06/03.

Réveil matinal, j'avais oublié que les oiseaux pouvaient se mettre à chanter aussi fort aussi tôt... Jamais en Turquie ça n'a servit de réveil, peut-être est-ce vraiment le printemps ici ? Le canyon au fond duquel j'ai posé ma tente en arrivant hier est vraiment joli. Il était 21h30 quand j'ai débarqué à Σητεία (Sitia) hier soir, trop heureux de mettre enfin les pieds sur la terre ferme. La houle a rendu compliqué la dernière heure de traversée : impossible de circuler dans le bateau sans se tenir à tout ce qui vous tombait sous les mains, et mon estomac déjà fragilisé par on-ne-saura-jamais-quoi m'a fait vivre un enfer. Heureusement que ça n'aura duré qu'une heure... En arrivant, j'ai repris un peu de poil de la bête, trouvé de l'eau et suis parti pour 45 minutes de vélo nocturne, en direction des ces gorges repérées sur la carte. À leur embouchure, une plage, et légèrement en retrait, un plat herbeux parfait pour ma tente. La lune presque pleine a rendu la manœuvre plis facile et je me suis écroulé enfin dans mon duvet sur les coups de 23h. 

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Pas la peine d'attendre le soleil pour sortir, je sais qu'engre mes deux falaise je peux encore attendre un moment. Je décolle vers 9h (merci les moineaux) et prends la direction de Άγιος Νικολαος (Agios Nikolaos), la prochaine ville sur mon chemin. La route commence par s'élever à travers les montagnes - car oui, on m'avait prévenu, avant d'être une île la Crête est une montagne - et les paysages sont vraiment sympas. Très peu de circulation et c'est un réel plaisir en arrivant de Turquie où les poids lourds hors d'âges et surchargé peinent à vous doubler toutes les 2 minutes, quand c'est calme.

Petite pause dans une boulangerie au bord de la petite route pour midi. Alors que je soigne mes crampes d'estomac avec un coca (c'est peut-être dans la tête mais au point où j'en suis alors, croyez moi ça sera déjà ça), je reçois un message : "I think we are at the same coffee". 

Alors petits éléments de contexte : avant d'arriver sur cette île, j'ai pris contact avec un warmshower du nom de Konstantinos, vivant à Heraklion. Il m'aurait hébergé avec plaisir mais le retard pris par mon ferry m'aurait fait arriver après 1h du matin dans cette ville du milieu de la côte nord, et j'ai donc préfèré débarquer plus tôt en prenant pied à Sitia, tout à l'est. Donc pas de douche chaude en arrivant, et pas de Konstantinos non plus. Souvent sur les routes à cause de son travail, il a vu mon vélo devant la boulangerie où il a l'habitude de s'arrêter lorsqu'il va vers l'est et s'est donc fendu d'un petit message, au cas où ça serait bien moi ! On fait rapidement connaissance, mais il faut déjà qu'il reparte. Il me propose de le tenir informé de mon arrivée à Heraklion, si il est disponible il m'accueillera.

La suite de la route jusqu'à Ag. Nikolaos est plate mais avec du vent de face (les résidus du créateur de houle de la veille j'imagine...) et je peine à rejoindre la ville.

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J'y trouve une carte sim pour avoir un peu de réseau, malgré l'aspect extrêmement complexe de l'offre ("Vous pouvez ajouter de l'argent à votre solde quand vous voulez, mais seulement 12€ à chaque fois. L'activation d'un paquet de 8GB vous coûte 8€, et vous ne pouvez pas en activer plus de 3 par mois. 2 fois par mois vous pouvez activer une "semaine d'internet sans limite" en cédant 6€ à chaque fois. Pour ce premier mois, l'opérateur vous offre 4GB supplémentaires, et nous (le magasin) on vous en rajoute 12 et 100min d'appel. Voilà ça vous convient ?") Puis je pars faire un tour sur le port : depuis un moment déjà j'ai en tête d'essayer de me faire inviter sur un bateau pour faire un peu de voile, et, qui sait, peut-être relier deux ports par ce moyen (on appelle ça du bateau-stop du coup). Sauf que je rencontre successivement trois couples de voyageurs à voile qui m'informent tous trois que "la saison de la voile ici c'est plutôt Avril et Mai, tu vas avoir beaucoup de mal à trouver quelqu'un qui navigue ces temps-ci"... Ooooh... La déception est assez grande, je m'accrochait un peu à ce rêve depuis un bout de temps déjà... Ça sera pour une autre fois visiblement ! Je reprends ma route pour aller dénicher mon bivouac du soir : une petite presqu'île à quelques km de la ville. Le spot est magnifique, la presqu'île ferme une baie dont l'eau est d'un calme presque inquiétant, quelques anciens moulins decorent la route, et je trouve refuge à côté d'une chapelle (on est en Grèce ou pas là ?) entourée de murs en pierres sèches qui me couperont le vent. Parfait. Si on oublie les backflips de mes entrailles, qui sont à l'apogée de leur mal-être, c'est parfait. 

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Mardi.

Au réveil, le vent est tombé. Je prends mon temps avant de partir, puis m'attaque à la traversée des petits monts qui me séparent de Νεάπολη (Neapoli, la version crétoise). La route est splendide, minuscule, elle serpente entre les mamelons successifs de ces reliefs couverts d'oliviers et de garigue. Il n'y a personne, la pente est douce et le revêtement neuf. Les conditions sont au rendez-vous pour une matinée toute en couleurs. Je débarque sur la petite place centrale de cette ville dont la taille s'accorde à celle de la route qui m'y a conduit sur les coups de midi. Parfait pour y manger, je m'assoie en terrasse d'une boulangerie et avale un sandwich (avec un coca, on reste sur une gymnastique complexe derrière mon nombril). Comme souvent quand je mets pas toute mon énergie à appuyer sur mes pedales, je me retrouve face à cette question : et maintenant, je vais où ? Un message me donne ce midi la réponse, Dimitrios m'a accepté dans son Wwoofing à l'ouest de l'île ! 

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Petite remise en contexte : depuis que je voyage seul, j'ai réalisé que ce mois et demi risquerait d'être long sans personne avec qui échanger au quotidien. J'ai donc commencé à chercher un Wwoofing (bénévolat logé et nourrit dans une exploitation agricole) en Grèce où passer une paire de semaines en bonne compagnie. Et après de (très, trop ?) nombreuses tentatives et bouteilles à la mer, ça mord enfin !

Tout heureux, je reprends la route avec un objectif clair en tête : traverser cette île pour aller tailler les oliviers entre Chania et Kissamos. Mais, vite rappelé à l'ordre par mon système digestif, je décide de ne me lancer dans cette croisade que le lendemain, m'octroyant une journée plus reposante aujourd'hui. 

Je sors donc de Neapoli, pour entrer dans Λατσίδα (Latsida), le petit village voisin. Passant devant une taverne, je demande si je peux m'y assoir : le monsieur à l'air désolé, "pas d'bol mon gars, on ouvre ce soir seulement." J'allais repartir quand je pense à demander de l'eau pour la nuit. Le femmes dans la cuisines m'invitent à grand renfort de gestes à entrer, m'ouvrent le robinet en le demandant d'où je viens, où je vais, etc. Et me voilà reparti avec de l'eau et... deux parts de gâteau maison cadeau ! Aaaah ce que j'aime cette générosité spontanée chez certaines et certains ! Le sourire jusqu'aux oreilles, je fais 50m avant de me m'asseoir à la terrasse d'un minuscule café, pour y bouquiner une bonne heure. En repartant la propriétaire me demande où je vais et d'où je viens, et paraît très nettement plus impressionnée par l'idée que je puisse tenter de rejoindre l'ouest de son île en vélo que par le fait que j'y sois venu depuis la France, en passant par la Turquie, le tout toujours en biclou. Impressionnant comme la perception des distances est subjective...

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Je trouve un splendide bivouac sur un promontoire que je partage avec une chapelle et une bergerie, orienté plein ouest il n'y a déjà presque plus de soleil mais il devrait me réveiller demain matin !

 

Mercredi.

Pronostic gagnant ! La fermeture de l'entrée de la tente glisse et je laisse les rayons du levant inonder mon antre. Ça aussi c'est un Graal, signe d'une bonne journée. 

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Après une descente toute en douceur, dans un paysage de falaises rouges et de pentes couvertes d'oliviers encore, jusqu'au bord de l'eau. J'y rejoins une route plus classique, moins bucolique mais d'une efficacité redoutable. Et c'est tant mieux : aujourd'hui je mange à Heraklion. 

J'arrive en ville un peu tard et me laisse surprendre dans le centre par l'interminable cortège d'une manifestation : l'accident ferroviaire dont vous avez peut-être entendu parler déclenche les protestations dans de nombreuses villes grecque, et un raz-le-bol général se fait sentir. En tout cas est-ce la version de ce Hypster Grec que je rencontre sur le trottoir. Lorsque je lui demande où trouver le meilleur gyros de la ville il me dit "suis-moi", alors j'emboite la roue à son vélo de livreur de repas et le suis dans les ruelles qui esquivent la manif. Pris au piège au milieu d'un carrefour, il me l'a ce "Aha ! Attention ! Here people crazy with cars !" J'acquiesce avec un sourire avant d'éclater de rire quand il ajoute avec un accent américain "E*culés one the road !" 

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Je repars pour mes 500m de dénivelé de l'après-midi. Objectif : dégoter un bivouac tranquillement au milieu des montagnes et loin de l'effervescence de la côte. 

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Jeudi. 

Le réveil est ensoleillé encore une fois. Mais ce matin, et pour la 1ere fois depuis que je dors seul sous cette toile, elle est trempée de rosée et de condensation. J'avais presque oublié ce cauchemar vécu de si nombreux matins, mais comme je n'ai ici personne à qui m'en plaindre je me tais, sachant qu'il me faudra patienter une demi-heure de plus avant de décoller pour attendre que tout soit sec. Au moins il fait grand beau. 

La route défile rapidement ce matin : comme j'ai dormi en hauteur, elle est majoritairement descendante, ça aide. Je me laisse glisser sur 5km avant de pousser un bon coup sur les 2 suivants puis rebelote. Tout paraît si simple que je me laisse aller un peu vite, et me voilà embarqué dans cette épingle avec 10km/h de trop, je penche mon bolide pour essayer de négocier le virage malgré tout et... Ben ça finit par glisser hein ! Eh oui ! Les routes grecques sont bien plus lisses que leurs cousines turques et j'ai perdu l'adhérence sans vraiment m'y attendre. Heureusement, les dégâts sont minimes : je le relève instantanément pour vérifier que tout fonctionne (c'est ok) et inspecte les zones brulées par la glissade : c'était si lisse par-terre que les égratignures n'ont vraiment pas mauvaise mine ! Je réalise en reprenant la route que j'ai eu vraiment de la chance, peut-être ais-je grillé mon jocker. Tomber seul ça parait être une idée encore moins bonne que de le faire bien accompagné ! Je m'en sors ici avec un beau bleu sur la hanche gauche et une sacrée courbature dans la nuque, maigre bilan et on s'en contentera. 

En arrivant à Ρέθυμνο (Rethymno), je craque pour un compteur de vitesse... Ça fait bientôt 6 mois que je me demande à quelle vitesse on file sur nos bicyclettes, et j'ai bien réfléchi. Les routes crétoises sont assez peu raides et jusqu'ici, le records est à 49.5km/h. Je suis assez sûr d'avoir déjà explosé la barre des 75 sur les pentes-raides turques, nous mettrons une preuve étayant ce postulat sur le tapis lorsque nous en disposerons. Toujours avec prudence, cela va sans dire.

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Je trouve mon bivouac du soir dans la seule plantation d'olivier qui n'est pas barricadée par des grilles à béton armé (c'est une manie effrayante ici, tout est clôturé...). Alors si celle-ci est ouverte, c'est bien qu'on m'y invite non ? 

 

Vendredi.

C'est aujourd'hui que je rejoins Chania, puis Galata, où l'on m'a donné rendez-vous pour le wwoofing. Motivé par cette perspective, j'avance plus vite et gobe les kilomètres dans la matinée, arrivant avant 13h à Chania pour m'écrouler devant un gros gyros tout chaud qui ne fera pas long feu... Le temps de retrouver l'adresse et me voilà reparti pour Galata, 5km plus loin.

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J'arrive dans un quartier résidentiel fait de villas complètement hors budget. Zoé, une autre wwoofeuse est là depuis une semaine déjà et me fait faire le tour en attendant le retour de Dimitrios, parti jusque dans l'après midi. La villa est immense, et quelques oliviers en plus de deux grands potagers sont à deux pas. J'aide Zoé à finir son travail de débroussaillage avant de rentrer rencontrer nos hôtes Esther et Dimitrios. 

 

Samedi. 

Dimitrios me présente le boulot : "ici il faut remettre un peu d'ordre dans les potagers laissés en friches cet hiver. Puis demain ou le jour suivant, on montera au village, vous vous installerez là-haut pour la suite et vous occuperez des arbres à tailler. Je vous montrerai." Je passe donc la matinée à aider ×××, un ouvrier qui travaille à temps plein avec Dimitrios, à désherber les rangs de poivrons et d'aubergines de l'an passé, puis à en retourner la terre à la bêche. 

L'après-midi je pars explorer Chania avec Zoé, manger ma première glace de 2023, la dernière remontant à la Croatie (C'est bien ça ? Ça me semble si loin...) et nous perdre dans les ruelles de cette petite ville bien touristique mais aussi bien vivante. 

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Dimanche. 

Aujourd'hui je ne travaille pas. On doit monter "au village" dans la journée, mais rien de bien clair n'a été formulé. Ça ne sera pas avant le début d'après midi, alors je pars explorer les environs en courant, puis rentre en marchant, un podcast dans les oreilles. 

Au milieu de l'après midi, Dimitrios nous annonce que nous partons, il faut charger la voiture avec nos bagages. J'accroche mon vélo sur les barres du toît, et remplis le coffre de sacoches et des valises de Zoé auxquelles s'ajoutent deux sacs de provisions préparés par Esther. Nous prenons la route, à travers les collines en direction de Δελιανά (Deliana), le fameux village. En chemin, Dimitrios nous explique comment son ancêtre de 7 générations a acquis cette maison, en arnaquant un Turc qui ne se sentait plus tant en sécurité dans ce village perdu peuplé de crétois hostiles. On passe devant un olivier muni d'une plaque attestant son âge, et je demande trois fois à notre hôte de répéter : il a plus de 4000 ans. Oui j'ai vérifié le nombre de 0. Depuis sa coline, cet arbre a vu passer toutes les civilisations dont j'ai entendu parlé depuis que l'on parle d'Histoire de l'humanité, et il donne encore des olives chaque année. C'est vertigineux.

Enfin nous arrivons dans la vallée où se terre Deliana, le ciel prêt à pleuvoir de cette journée couverte ne nous laisse pas vraiment apprécier le cadre des lieux et il vous faudra attendre la prochaine mise à jour pour en connaître l'envergure, mais ça s'annonce bien. Très bien même ! La maison est un véritable manoir croisé mas provençal, immense et décorée de portraits des ancêtres sur 3 générations. Dimitrios nous salut et s'en retourne à la villa, nous laissant seuls, heureux propriétaires de cette bâtisse 7 fois trop grande pour nous ! Ce soir je coupe des oignons pour la 2e fois seulement depuis plus d'un mois, lentilles-saucisse au menu. Je me réjoui à l'idée de vivre ici comme chez moi pendant une dizaine de jours. Demain, au boulot !

 

 

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