KAM - Bugün ve yarın hava güzel

Alors voilà, ça y est ! Premier billet d'une nouvelle page de ce voyage, seul et au chaud. Pour la chaleur je vous le confirme, il fait meilleur ici que partout ailleurs en Turquie, j'ai visé assez juste apparemment (voir le bulletin météo de la semaine à venir ci-dessous). Pour la solitude aussi, on y est ! C'est déroutant, mais c'est une expérience que je suis heureux de tenter. Quelque chose que je n'avait pas même imaginé avant de partir et dont j'ai envie aujourd'hui, preuve que je ne pas être qu'un imbécile ! Aller sans plus de préambule, MUSİQUE !

Screenshot_20230219-165514.png, févr. 2023

Mercredi 15/02.
Le temps ce matin est meilleur qu'annoncé hier. J'ai décidé de partir aujourd'hui, dans la foulée d'Achille, pour écourter les séparations qui avaient déjà commencé la veille avec le départ des trois auto-stopeurs. C'est aussi le moment qu'ont choisi les deux familles d'Hatay pour lever le camp, en direction d'un logement à Nevşehir. C'est là que je prendrais mon bus moi aussi, plusieurs heures plus tard. Je boucle les dernières sacoches, les installe sur Gabriel. Un câlin à Adrien, qui n'a pas cherché à retenir sa larme, puis Zélie. Je sens l'émotion monter, voilà 5 mois presque jour pour jour que je vois leur bouille à ces deux là, et mes 10 premier coups de pédales d'aujourd'hui nous éloigneront pour un moment. On a vécu ensemble des choses incroyables. Je veux que ce soit ça qu'il me reste dans la tête, alors je file sans plus tarder. Güle güle! 

La route monte d'abord jusqu'à Ucisar (je me permet même une petite suée malgré les -6°c ambiants et l'absence de soleil), puis redescend jusqu'à l'entrée de Nevşehir. İci, les paysages caractéristiques de la région qui nous ont tant émerveillé disparaissent derrière les immeubles. Mais on a pris le temps pendant une semaine, et surtout la veille, de s'en mettre plein la vue, alors c'est sans frustration que je dis "au revoir" à la Cappadoce.

L'objectif de la suite pour moi, c'est de longer la côte méditerranéenne d'est en ouest, en partant de Mersin et en rejoignant Antalya. De là, en fonction du temps qu'il reste au compte à rebours de 90 jours enclenché le 8 Décembre, les plans sont multiples. Mais je dois me rendre à Fethiye le 4 Mars au soir au plus tard, pour prendre un ferry pour Rhodes le lendemain matin. 

Le bus me laisse à la gare routière de Mersin vers 17h. J'ai regardé la carte, c'est une grosse ville, bien étendue sur la côte si l'on tient compte des communes voisines qui se sont faites happer par l'étalement urbain. Difficile d'en sortir avant la nuit donc. Mais difficile aussi de trouver une pension avec une chambre de libre ! En effet, et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'hésitais à venir par ici, Mersin est à seulement 80 km d'Adana, ville méchamment amochée par le séisme d'il y a 10 jours. Aussi, beaucoup de réfugiés affluent dans cette ville voisine, épargnée, elle, par les secousses meurtrières. Un contact vivant sur place m'avait donné quelques informations sur la crise de logement qui émerge sous le poid de ces migrations, et je m'attends donc à avoir du mal à trouver un endroit où dormir... 
La première tentative est un échec, plus de place. Mon moral descent d'un cran, le scénario des 50 km pour sortir de l'agglomération de nuit se dessine trop nettement. Heureusement, la seconde est la bonne : un hôtel miteux au possible (mégo dans la douche, tâches douteuses sur les draps, et je vous passe le reste) me propose l'une de ses chambres encore libre pour 250TL (12.5€). 
Ça fait très bien l'affaire, je ressors manger une soupe dans un restaurant (à la recherche d'une façade authentique et "ucuz", càd bon marché). 

Jeudi. Je pars tôt, pas envie de m'attarder ici. Devant l'hôtel à 9h15, je me sens un appétit de cycliste : envie de pédaler, et de manger aussi. Au coin d'une ruelle, un petit café tenu par un homme dont je finis par comprendre qu'il est sourd. J'y bois un çay, mange un simit. Un petit détour par le decath' de Mersin (le dernier avant un moment) pour y racheter deux bidons (mes gourdes ne suivent plus là, 5 mois c'est le max...), et je me lance dans le trafic. Objectif : sortir de cette grande ville. La sortie de Mersin en elle-même est assez sympas, de longues portions de pistes cyclables longent la mer et sont très entretenues.

IMG_20230216_104357.jpg, févr. 2023

Puis c'est le retour de la nationale... Beaucoup de trafic avec l'agglomération qui s'étire, les lignes droites bordées d'immeubles en construction ne sont pas vraiment bucoliques, et c'est avec un certain soulagement que j'arrive enfin à Erdemli, la ville qui, d'après la carte, marque la fin du continuum urbain. Je mange un dürüm au bord de l'eau, me laisse aller à une petite sieste au soleil, puis me remet en route. J'aimerais aller jusqu'à Kızkalesi, lieu que l'on m'a recommandé, pour y passer la nuit. İl reste 30 km. 
Encore vaseux de ma sieste, je m'arrête dans un magasin pour faire le plein de ce soir : c'est mieux d'avoir déjà les yeux en face des trous pour faire ça rapido, croyez-en mon expérience... 30 minutes plus tard je ressors avec un paquet d'1kg de riz (ya pas plus p'tit), un pot de sauce tomate "spécial menemen", un pain et un pot de beurre de cacahuète. Pas fou comme butin pour un tel investissement de temps... Heureusement qu'on est pas pressés hein !
Arrivé à Kızkalesi, je trouve un bistrot en bord de mer pour y boire un çay et repérer sur la vue satellite de la carte un potentiel lieu de bivouac. J'en profite ausi pour faire le plein d'eau et connaissance avec le monsieur qui remplit gentiment mes 6l de contenants. Je repars les sacoches alourdies, mais le çay m'a été offert (je dois être suffisamment à l'est pour ça, Adnan nous l'avait dit "the more you go east, the more it becomes free"). 
Je décide d'aller voir du côté du château de Korykos, à l'entrée de la ville. Bingo ! Une petite crique est cachée là, un bâtiment à l'abandon et de nombreux pêcheurs et flâneurs sont assis dans des chaises de camping. Plusieurs poêle à bois miniatures gardent le çay au chaud, le soleil est encore bien présent, c'est plat et l'herbe est belle, tout comme la vue. Vendu ! 
Avant d'installer le camp, je file prendre une douche pour profiter du soleil et n'avoir pas froid. Le sol sous mon arbre n'est pas très accueillant, un ama de caillasses pointues et de branches sèches qui piquent les pieds nus... Le vieux plan de travail défoncé qui trainait là bas fera un sol parfait, je m'empresse de le ramener et de le poser à terre. C'est pas parfaitement plat, bien en pente même, mais "ça fera" ! Comme vous l'imaginez, ça n'a pas fait... Une fois trempés c'est une savonnette, et je le retrouve assis par terre sans l'avoir vraiment décidé. Pas de mal heureusement, je ris du comique de cette scène dont personne ne peut se moquer. 
Premier bivouac seul, c'est étrange de refaire les mêmes gestes mais sans compagnie. İl manque les échanges basiques du quotidien, "Tu me passes le sel steuplé ?", "Raah ça accroche au fond d'la gamelle...", "Attention, fais pas bouillir le thé là"... C'est surtout plus creu de ne faire toutes ces choses pour personnes, hormis sois même. Suspendre une douche, puis ne la laisser installée pour personne d'autre. Cuisiner, et ne pas avoir à annoncer "c'est prêt !". Faire la vaisselle sans se dire "aller en vrai ça fait au moins deux fois que j'la fais pas...". Mais on doit bien finir par s'habituer ! Je vous tiens au courant.

IMG_20230216_173550.jpg, févr. 2023
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Vendredi.
Réveil autour de 8h30. Tout seul je suis plus efficace pour remballer visiblement, à 10h je suis parti. Aujourd'hui je suis déterminé à tout tenter pour éviter la grosse route, alors en arrivant dans la plaine agricole de Siflike, je me lance dans le dédale de route défoncées qui désert une mosaïque de cultures variées. Les habituels oliviers, une forte majorité de citroniers, mais aussi d'immenses serres sous lesquelles poussent des bananiers, et enfin, clou du spectacle, des fraises ! Des fraises bien rouges, sans même une petite serre pour les abriter !
Pas facile de filer droit au but avec ce quadrillage anarchique, je rejoins la grosse route bien fatigué. Un long tout-droit d'une dizaine de kilomètres me déposera à Taşucu, de retour au bord de l'eau. Entre les deux, une voiture arrêtée au bord de la route me fait de grand signes : petit arrêt drapeau, comment ça je roule sans arborer le duo lune+étoile ? Pour ceux que ça inquiétait autant que Cenan soyez rassurés : il m'en a donné un.

IMG_20230217_121738.jpg, févr. 2023


Pause casse-dale à Taşucu, sur la terrasse à l'étage d'un petit restaurant j'observe un monsieur nettoyer consciencieusement la route avec son tuyau d'arrosage en avalant un dürüm de 70 cm de long (c'était écrit sur la devanture hein). Puis je repars en visant Yeşilovaçik, où j'ai repéré un potentiel spot candidat au bivouac. La grosse route longe d'abord l'eau, pas d'alternative, puis un tunel s'enfonce sous la montagne. C'est ma chance, qui dit tunel ici, dit petite route qui l'évite ! Je me farcis donc le petit col qu'il permet au camion d'éviter, puis de là haut je vois la suite de la route : une grande vallée en plat montant avec la nationale au milieu... Sur la droite de celle-ci je repère un réseau de pistes : il est encore tôt, j'essaie. 

IMG_20230217_145817.jpg, févr. 2023


Et ça marche drôlement bien, je ne rejoins le goudron et les camions qu'en haut de la côte, la descente avec de tels acolytes c'est OK. 
J'arpente les ruelles de Yeşilovaçık à la recherche d'un market où trouver une petite salière (j'ai laissé la notre aux deux misterfreeze) : peine perdue, ici le sel on en met beaucoup ou pas du tout ... Tant pis pour le riz de ce soir !
Au bout de la piste que j'avais en tête, face à la mer et au soleil qui se couche, un magnifique bivouac ou seules quelques chèvres viendront me tenir compagnie. 

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Samedi.
Aujourd'hui, je le sais même si je fais comme si de rien n'était, les alternatives à l'autoroute sont aux abonnés absents... Pas le choix (j'ai décidé qu'un détour de 200km n'est pas un choix). Je me lance à l'assault de cette journée en m'arrêtant compléter le frugal petit déjeuner que j'ai avalé devant ma tente (y restait pas autant de muesly que prévu...) : une grosse omelette et salade, je sors le beurre de cacahuète pour tartiner ce qu'il reste de pain dans la corbeille, bref, kavaltı en bonne et due forme ! İl est 11h quand je décolle, je peux tenir jusqu'à 15h comme ça !
Bonne nouvelle, tout commence par un tunel. J'ai donc droit à mes 3 km de contournement, en balcon sur la mer, j'en oublie presque ce qui m'attend. 

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Puis c'est le dur retour de la réalité autoroutière : ici on détruit tout pour tailler des tunnels, des parkings et des 4 voies. Je vous ai épargné les photos, mais croyez moi j'avais le moral à 0. Pour profiter de ces moments magiques, la route monte, et je passe donc près de 3h dans ces paysages de chantier, doublé chaque 30 secondes par des poids lourd lancés à 90. Top moumoute. 
J'arrive bien KO mais entier à Yeni, à l'entrée de la ville d'Aydıncık, où je trouve un bistrot dans lequel me sustenter, de l'eau et des provisions. Je repars sur la petite route excentrée que j'avais repéré pour trouver un bivouac : fermée au bout de 500m par un portail gardé... Tant pis pour l'esthétique et la vue, il faut que je me pose, je monte me cacher dans la pinède surplombante. 5 m²de presque plat feront l'affaire, au lit les petits !

IMG_20230218_181626.jpg, févr. 2023

Dimanche.
Ce matin la route est plus belle. La KGM (gestionnaire des routes turques) n'a pas terminé le travail et la 2 voies laisse place à une plus petite route, sur laquelle circulent les mêmes véhicules, moins vite. La route est tout en balcons suspendus au dessus de l'eau, magnifique décors. Quelques tunnels me laissent même le loisir d'en profiter sans bruits de moteurs ni stress, j'apprécie l'instant.

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J'arrive à Tekmen sur les coups de midi, le temps de trouver un endroit où manger et me voilà à table au fond d'un restaurant tout ce qu'il y a de plus typique. Je mange mon ragoût d'agneau, mon riz et mes poids-chiches au milieu des tables de travailleurs qui viennent prendre leur pause déjeuner. Ambiance. Le çay m'est servit 4 fois sans même que je n'ai à penser à en avoir envie. 
Je repars pour Bozyazı, que je traverse sans trop m'attarder puis prolonge jusqu'à Anamur. Là, j'achète de quoi compléter mes réserves pour ce soir et demain matin, puis je cherche un endroit où engloutir une paire de Baklavas, parceque quand même quoi, faut pas se laisser bouffer par la route non plus hein !
Depuis ma terrasse (ouioui je me goinfre en short et t-shirt en terrasse à 16h, c'est le sud ya pas de doute) je scrute les montagnes qui dominent la petite ville. L'envie me prend d'un bivouac avec vue ce soir, d'un peu de hauteur pour changer de ces nuits au bord de l'eau. Je me lance donc à l'attaque d'une piste raide (mais raaaaide) qui m'amène à un collet. Là je sue les derniers centilitres de transpiration dont je dispose en poussant mon vélo jusqu'à un replat herbeux. C'est MA-GNİ-FİQUE, je suis super content, complètement crevé mais content. Le soleil est encore bien haut quand j'arrive, j'en ai profité jusqu'au bout, le camp est dressé et ce soir je m'octroie même le luxe d'un petit feu pour parfaire le tableau (et au coin duquel je vous écris tout ça hehe). 

 

​​​​​​IMG_20230219_175702.jpg, févr. 2023

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