Bikeal Pékin

Voici ma première semaine seule, ce qui me paraissait impensable il y a quelques mois est devenu une simple formalité aujourd'hui. Preuve que ce long voyage m'a fait évoluer, que ces longues heures sur la route, dans la tente ou face à la mer ont fait changer des choses, mais quoi ? On ne se lève pas un matin en se disant c'est bon je suis philosophe, j'ai compris, mais ce que je sais c'est que la maintenant j'ai appris à me supporter moi-même et c'était pas gagné. Tout ça pour dire que ce bilan est très positif après presque 9 mois de vadrouille, mais n'abusons pas de la solitude, rouler à son rythme, ne pas avoir à partager le chocolat, ça a ses avantages mais aussi ses limites ! 

Seul on va plus vite, on est obligé de dire que c'est vrai à vélo en tout ca ! Ensemble on est allé plus loin :)

Lundi 29 mai. C'est le départ seule, je prend mon petit-déjeuner à l'hôtel et rempli mes poches au buffet pour le pic-nic, et oui aujourd'hui c'est férié donc aucune prise de risque ! Je me met en route et contrairement à ce que j'avais pu imaginer, rouler seule se met en place naturellement ! J'arrive à m'extirper de Berlin, la sortie est plus facile que l'entrée, je trouve une piste cyclable qui longe l'autoroute et permet de me téléporter à Potsdam. Je prend mon pic-nic dans un abris bus, je fais une petite sieste au soleil et je dois repartir je ne suis pas tout à fait arrivée.

Je ne suis pas pressée Pablo mon warmshower ne sera chez lui qu'en fin de journée. J'aime bien rouler seule, à mon rythme c'est à dire un peu plus lent mais constant, et finalement ça ne devait pas être si lent que ça parce que jarrive avec 1h d'avance sur mon programme à Wittenberg. Je vais devoir attendre, pas de problème j'ai mon livre mais mes gourdes sont vides... les voisins sont dehors je m'approche de la grille et demande de l'eau, Thomas repart remplir ma gourde et entame la discussion, je ne cherche pas d'endroit pour la nuit mais il me propose de venir attendre Pablo chez eux. Je bois un grand café avec lui et sa femme, ils sont infirmers, ils viennent de récupérer les enfants après avoir travaillé toute la nuit. Pablo n'étant pas encore là et l'heure du dîner arrivée et oui  c'est 18h30, ils me proposent de me joindre à eux, on partage des wraps, Marino et Emil leurs deux enfants de 5 et 7 ans me montrent leur collection de carte Pokémon ! Ils sont impressionnés que je sache ce que c'est les points de vie et les avantages de chaque carte !

L'heure du coucher approche et Pablo est rentré, je remercie mes hôtes et change de maison. Pablo est un webdesigner d'une petite trentaine d'années, ses parents l'ont aidé à acheter cette maison, il travaille depuis chez lui et n'est qu'à 40min de train de Berlin, bon compromis pour avoir un bout de jardin ! On discute un bon moment, on écoute de la musique sur son lecteur de vinyle et je vais me coucher, ça commence à faire une longue journée !

Mardi 30 mai. Je me réveille tranquillement d'une bonne nuit, l'odeur de la cannelle me monte déjà aux narines. Pablo est au fourneau, il est en train de faire un chouette porridge, un peu plus évolué que mon habituelle recette ! On déguste nos assiettes lorsque l'on discute ma route pour la journée, Pablo me conseille d'aller voir Ferropolis, c'est globalement sur la route et c'est une ancienne mine de charbon, on check c'est ouvert aujourd'hui. Je me met en route, oh non j'ai oublié de remplir mes gourdes ... je commence par m'arrêter dans un café pour faire le plein. Ce soir je vise un autre warmshower à Leipzig environ 85km plus loin au sud-est. Je roule un peu bon moment sur des pistes cyclables entre les lacs au milieu de la végétation c'est sympa.

Ferropolis c'est une ancienne mine de lignite, il reste sur place 5 excavatrices, chacune dotée d'un surnom, toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Aujourd'hui la mine est un lac, comme les autres, une arène à été construites entre les machines, sur la presqu'île, le lieu converti en musée sert parfois de place pour des festivals pouvant rassembler jusqu'à 25 000 personnes, les DJ mixtent depuis le haut des machines !

 

Je pédale encore un peu avant de trouver le spot de pic-nic parfait, au bord de l'eau ! Il fait si chaud que je vais même y tremper les pieds.

L'après-midi se déroule tranquillement jusqu'à mon arrivée à Leipzig où un père à vélo avec ses deux enfants dans la carriole, s'arrête me demande où je vais, d'où je viens, il me propose même de venir chez eux, mais je suis déjà attendue quelque part ceux soir. Je suis merveilleusement bien accueillie par un couple d'une cinquantaine d'années, ils vivent dans une grande maison, leurs enfants ne sont plus là donc c'est normal d'utiliser la place. Le jardin est somptueux, il y a quelques ruches ça et là, un potager, des fleurs, un peu des hautes herbes ! Après une bonne douche on se réunit pour cuisiner, ils sont tous les deux au fourneau, refusent mon aide à la cuisine mais me propose de parler de mon voyage. Je me rend compte que je commence à avoir un peu plus de recul sur tout ce que l'on a vécu, ce que j'ai vécu et ça devient vraiment intéressant d'échanger avec d'autres, qui ont bien d'autres expériences, de prendre le temps. Au menu de ce soir c'est asperges rôties du jardin, mayonnaise à la ciboulette du jardin, et pour le dessert c'est prunes (du jardin) au sirop et "chantilly" que Jens avait un peu ratée :).

Ils sont médecins généralistes, entendre que j'ai choisi le plus beau métier du monde, qu'après tout ce temps ils adorent leur travail toujours autant, " tu verras ça vaut le coup ". Je crois que ça ne pouvait pas mieux tomber comme rencontre, moi qui rentre pour ça, pour apprendre à faire "le plus beau métier du monde" ! 

Mercredi 31 mai. Le premier rendez-vous de Jens s'est annulé donc on petit-déjeuner ensemble. Il m'a tout préparé, des œufs, du pain grillé, et un camembert parce que je suis française ! Il m'avait fait 2 œufs en plus pour le pic-nic, si ça c'est pas prévoyant. Et me voilà repartie, j'ai encore pas remplie mes gourdes, c'est donc ce que je fais assez rapidement. C'est vallonné, je monte, je redescends, c'est très vert et plus beau. Je fais une grosse matinée et fini enfin par faire mon pic-nic, petite table à l'ombre je suis super bien.
Cette après-midi je veux dépasser Gera et je prévois de faire un petit bivouac dans la forêt qu'il y a derrière, le premier toute seule 😱!
Je fais le plein d'eau pour la nuit à la station service avant d'attaquer la belle montée qui me sépare de l'abri que j'ai repéré sur le carte. L'endroit est encore mieux qu'espéré, c'est une véritable cabane, il fait beau, je suis au milieu des collines, dans la nature, et je suis super contente d'être là.

Je prend une douche bien sûr (seule je me sens un peu plus vulnérable à ce moment, si quelqu'un décide prendre mon vélo j'aurais l'air maline ^^), je me prépare du riz courgette et curry et me glisse dans mon duvet. Je suis plutôt sereine mais je sens qu'il ne faut pas trop que je pense, l'anxiété n'est pas loin, je ne l'alimente pas et je m'endors assez rapidement ! 

Jeudi 1er juin. Réveillée par le soleil et les joggeurs matinaux qui se demandent bien ce que je peux faire là. Je prépare mon porridge tranquillement, je suis vraiment contente de tenter l'expérience de voyager seule, et pour le moment je m'en sors plutôt bien. C'est bien vallonné, ça monte un peu plus aujourd'hui parce qu'au bout de 45 km je suis déjà épuisée, il fait très chaud, je fais des petites pauses à l'ombre pour récupérer !
J'arrive en fin de journée dans le très joli village de Hirschberg, et la cerise sur le gâteau est que la famille qui m'accueille habite dans un château, un vrai chateau du XVIeme siècle.

C'est complètement dingue et surtout très beau. On partage un bon repas, on papote autour d'une tisane avec des bougies comme seul éclairage, ça fait une chouette ambiance. Je vais coucher je suis bien fatiguée ! 

Vendredi 2 juin. Je ne met pas de réveil pour dormir autant que j'en ai besoin, ça ne loupe pas je dors jusqu'à 9h ! Je monte voir où ça en est, et Eric m'attend avec le petit-déjeuner, aujourd'hui il travaille à la maison, il me fait un peu visiter le château et je me remet en selle (j'ai pensé à remplir mes gourdes)!

La route est belle, sillonne entre de belles forêts, j'en profite ! Je roule jusqu'à Hemlbrecht où je décide manger, j'ai trop faim, je commande un dürüm et un hamburger à emporter. J'avais repéré une petite table au bord de la piste cyclable je serais mieux là-bas, quand je réalise que je me suis laissée commander tout ça, je me dis que je ne vais jamais les finir. Et bien détrompez vous parce que j'ai tout engloutis j'avais vraiment faim, ou est-ce que j'anticipais déjà mes clowneries de l'après-midi ?
Il faut savoir que je n'ai pas contourné la chaîne de montagne comme me l'avait conseillé plusieurs de mes précédents hôtes, parce que :
1. j'avais prévu mon itinéraire de cette façon, 2. ça rallongeait en kilomètre
3.les conseils des locaux c'est pas à prendre les yeux fermés (je parle d'expériences).
Donc j'ai fais des journées qui grimpaient un peu, des fois un peu beaucoup. Cet après-midi je me retrouve donc avec une bonne colline à gravir, et allez savoir pourquoi ne repére un itinéraire cyclable (pas celui conseillé par mapy bien sûr) que je décide de prendre. D'où l'inconvénient de voyager seule, pas de collègue pour remettre nos idées farfelues sur le droit chemin ! J'ai du pousser mon vélo sur une piste très raide, en plein cagnard. Je m'en suis pas si mal sortie et j'ai bien serré les dents toute seule, ça m'apprendra. Je ne me laisse pas démonter ce soir Dani et Patricia m'attendent.

J'enchaîne les podcasts et les baladeurs n'ont bientôt plus de surprises pour moi, je me laisse transporter dans d'autres aventures toujours plus folles et captivantes.
J'arrive dans le très joli village d'Eckersdorf, il surplombe la rivière qui coule au fond d'un petit canyon escarpé, ce microvillage perché offre une vue plongeante sur la forêt alentour. Au bout d'un petit moment où je me rend compte que je comprends moins bien que d'habitude leur anglais, je remarque aussi que Patricia et Daniel parlent en anglais avec leurs deux amis qui sont venus passer le week-end ici, et je réalise qu'ils sont américains, et oui c'était marqué sur warmshower, ça explique tout !
Daniel brasse lui-même sa bière donc il y a régulièrement de nouveaux essais, son frigo est incroyable (cf photo), j'opte pour la bière au gingembre et il nous fait goûter ce qu'il appelle une bière acide plutôt pas mal !

Lorsqu'il se fait tard je m'éclipse de leur soirée pour rejoindre mon lit !

Samedi 3 juin. Je me réveille assez tôt, je décide de partir sans petit-déjeuner, ils sont en week-end et ça va prendre un peu trop de temps à mon goût, j'ai envie d'être un peu seule et de prendre un croissant. J'ai repéré une boulangerie dans le village d'après. Daniel ne peut s'empêcher de me faire un thé, on discute beaucoup, c'est un drôle de personnage qui donne envie de mieux le connaître ! On fait une petite photo et je me met en selle pour la journée.

J'ai 15km de descente, une belle montée et que du plat descendant, c'est top. Sauf qu'il doit y avoir un grand congrès des boulangers Allemands quelque part, en tous cas pas ici, les deux boulangeries du village sont fermées (vacances annuelles). Bon ben on pousse jusqu'à la ville marquée en gras sur la carte et indiquée sur tout les panneaux, 5 km c'est quoi ? Sauf que ce bled est minuscule est sa célébrité n'est du qu'au fait que c'est le lieu de croisement de deux grandes routes et mis à part le rond-point central rien ! Outch ! J'inspecte la carte, il n'y a qu'une boulangerie sur mon chemin, dans 6km, en haut de la montée quoi ! Et bien en route, un petit dej en boulangerie ca se mérite ... mais je suis récompensée par un merveilleux petit dej à midi avec des croissants, de la compote et tout plein de trucs, ça valait le coup.
La route qui redescend est super belle, des falaises et des blocs rocheux se dessinent, j'écoute un voyageur qui raconte les steppes mongoles en plein hiver, c'est très contrasté avec la canicule que l'on se prend ici.

Et puis j'entre dans un continuum urbain que je ne quitterais pas de la journée, ça roule vite mais c'est pas beau !

Je me rend chez Joka et Dani, il est encore tôt, je vais pouvoir le reposer. Dani m'avait prévenu qu'ils seraient à un anniversaire dans le parc à côté, il vient donc m'ouvrir. M'explique qu'en fait c'était l'anniversaire de sa femme, il le fait visiter leur bel appartement et puis me laisse les clefs en me proposant de les rejoindre si je voulais.

Voilà j'ai l'appart pour moi toute seule, je prend une bonne douche, et je les rejoins au parc. L'ambiance est chill, on boit des bières, joue au molky, mange du gâteau et fait un tournoi de badminton. Ils ont la trentaine et l'ambiance est super chouette, les grimpeurs de la bandes ont des étoiles dans les yeux quand je leur parle de Grenoble (ça m'étonnerait pas qu'on les voit débarquer dans pas longtemps), on passe une très belle soirée. Lorsqu'ils décident d'aller au bar et danser, je me dirige vers mon lit parce que demain une grosse journée m'attend !

Dimanche 4 juin. Réveil 7h30, Joka rentre tout juste c'est rigolo. On prend un petit-déjeuner tous les trois, et je file. En effet 116km me sépare d'Aalen où Philipe dernier warmshower de cette longue série me reçoit. Je me met en route et ça file, il est midi quand j'ai déjà fait 55km, c'est cool j'ai bien appuyé. Je fais une petite pause sur un banc à l'ombre, il fait si chaud, je mange un petit croissant que j'ai trouvé dans une boulangerie ouverte :) j'y retourne, entre les lacs, les forêts c'est pas mal, mais le soleil tape bien ! Il ne me reste que 30km lorsque je fais ma pause du midi dans un parc pour enfant où je semble être l'attraction la plus intéressante aux alentours pour les 2/3 ans qui me fixent avec des gros yeux :) que dire je roule encore et encore au milieu des champs sans ombre, ouais je crois que malgré la crème je suis en train de brûler, je remet mon tee-shirt mais c'est beaucoup trop tard ...
Philipe a 25 ans, il vit en coloc, ca pourrait vraiment être l'un de nous, je trouve ça trop cool de sa part. Il a préparé des crêpes pour le repas, on discute de mon voyage, de son projet d'aller en Grèce, je lui conseille les routes les lieux, on rigole bien. Il me laisse sa chambre et lui va squatter celle de l'un de ces colocs absents aujourd'hui. Encore quelqu'un de simplement gentil. Je m'endors en repensant à cette douce semaine, remplie de rencontres et de kilomètres, de gens si différents mais tous incroyablement humains, et ça fait du bien !

 

Je vous laisse en bonus les photos de l'appareil photo argentique qu'Arthur a fait développer, ça vaut le coup d'oeil !